Préambule: Nature et société....Un dualisme obsolète!

Qu’est-il possible de penser aujourd’hui de l’état actuel du monde? Comment se situer devant la confusion intellectuelle généralisée et produire une analyse susceptible d’embrasser le cadre de nos déterminismes ? Est-ce si compliqué ? Alors que les humains dans leur ensemble n’ont jamais été aussi (sur)informés comment expliquer l’endémique renoncement à toute perspective d’évolution de notre civilisation.
Car son synonyme «Le progrès », unique leitmotiv des « élites » dirigeantes, a été réduit à son sens étymologique premier : « La marche en avant » ! Ce qui d’évidence ne signifie plus rien.
Nous sommes totalement à rebours de la solennelle proclamation de Proudhon en 1840: « Il y a progrès continuel du genre humain vers la vérité, et triomphe incessant de la lumière sur les ténèbres ». La vérité ! Nous voilà au coeur de nos impuissances ! Il n’existe plus de référents, ni même de méthodes, incontestables pour prétendre y accéder. Bien au contraire il nous en est imposé une, à prétention universelle, adossé au fonctionnement économique de nos sociétés. Elle s’est progressivement infiltrée dans l’ensemble de nos activités quotidiennes et régit, la plupart du temps à notre insu, la majorité de nos comportements : L’économie capitaliste de marché. A cet égard, le terme capitaliste n’est d’ailleurs plus opérant car il provient d’un monde où il existait encore un cloisonnement entre les parties économiques, politiques et sociales de nos vies et où de véritables contre pouvoirs n’avaient pas totalement cessés d’exister. Le totalitarisme marchand me semble mieux rendre compte de notre aliénation à un système de relations, avec nous-mêmes et avec notre univers, qui nous entraine irrésistiblement vers une auto destruction d’une étrange stupidité…. ! En effet trouve-t-on encore un domaine du vivant dans lequel ce pervers processus ne veuille ou/et ne puisse s’immiscer. Et sa progression à l’échelle mondiale ne trouve pour l’instant aucun frein réel et efficace en dépit de résistances notables et spectaculaires mais finalement insuffisantes (alter mondialistes, indignados). D’autant que c’est en utilisant et dévoyant le modèle politique qui lui a le mieux permis de se développer, la démocratie, qu’il a pu trouver le relais idéologique dont il a toujours d’évidence était dépourvu. En effet chercher à faire le maximum de profit sur des transactions, réduire systématiquement la valeur d’usage de la production humaine à sa valeur d’échange ne peut prétendre à fonder un idéal social. D’ailleurs nulle revendication de cet ordre à l’origine de ce nouvel ordre économique. Uniquement une volonté exacerbée de réduction des coûts de production (robotisation et/ou délocalisation) et de «rationalisation» des échanges financiers, avec l’optimisation des profits comme seul objectif. Ce que l’on nomme « mondialisation » n’est en définitive que le déferlement planifié à l’échelle de la planète de la réduction de l’ensemble des rapports humains à des rapports marchands.
Comment en sommes nous arrivés là ? En quoi l’humanité en porte-t-elle la responsabilité ?
L’immense chaos historique qui nous précèdent ne nous a rien appris. Nous le regardons avec indulgence et attendrissement comme la preuve de notre maturité advenue, aveugles à nos immuables et répétitifs égarements. Les luttes de pouvoirs sont au coeur de toutes les civilisations et, peut être tout simplement, testostérone et oestrogène sont ils nos principaux déterminismes insurmontés. La majorité des individus sur cette terre n’a évidemment pas pour unique ambition de dominer son voisin mais force est de constater que, celles et ceux qui nous dirigent, si ! Sans la volonté de pouvoir, pas de chefs ! Ni d’états, ni de militaires, ni d’entreprises ! Les revendications tardives des femmes dans cette compétition renforçant paradoxalement sa légitimité.
Hormonalement d’abord programmées pour la reproduction et non le combat, ce n’est qu’au cours d’une légitime (mais pervertie) revendication d’égalité qu’elles accèdent de nos jours, d’ailleurs toujours avec extrême difficulté, à ces tristes statuts sociaux. J’ai toujours déploré qu'au lieu de nous disputer nos volontés de domination les féministes ne les aient tout simplement balayés d’un revers de pensée, tant elles sont fondamentalement antagonistes avec l’idée même d’égalité. Mais nos pulsions sexuelles nous jouent bien des tours, nous poussant irrésistiblement vers ce qui devrait nous rebuter. N’est ce pas le mâle dominant qui obtient le privilège, par leur consentement, d’ensemencer les femelles ? La nature « pousse » en nous à notre insu, aveuglés que nous sommes par le fatras idéologique anthropocentriste qui nous structure. Elle le fait dans tous les domaines de notre vie, comme elle est à l’origine de tout ce que nous croyons avoir construit uniquement de par notre spécificité et dont nous arborons niaisement les oripeaux comme preuve.
Pourtant cette absurde conception d’une humanité dissociée de la nature et la maitrisant, en elle et hors d’elle, est, à l’échelle de l’évolution, assez récente même si le discours anthropologique orthodoxe cherche à nous en démontrer la linéarité permanente depuis l’apparition de l’homme sur terre. Alors, qu’encore très proche de nous, la culture des indiens d’Amérique, extrêmement évoluée et indissociable de la nature dans laquelle elle s’inscrit, en est le contre exemple patent.
Le mot civilisation a été défini au XVIIème siècle comme ce qui rend les hommes plus aptes à vivre en société (1757 Mirabeau) et surtout comme le processus de progrès (à venir le terme évolution) matériel, social et culturel ainsi que le résultat de ce processus, soit un état social considéré comme avancé. Il n’était alors pas encore question de rupture entre la nature et l’humain.
Mais ce terme va servir d’étendard pour légitimer nos conquêtes coloniales et nous éduquer à croire en notre supériorité occidentale adossée à nos spectaculaires progrès technologiques.
Cet arrogant et inepte complexe servant au mieux les féroces appétits de gains et de pouvoir de l’ordre dominant de l’époque. Ce faisant il a fallu bien sûr dévaloriser ce que cette «colonisation civilisatrice » a détruit sur son passage et rendre sauvages et/ou barbares celles et ceux à qui nous apportions les « bienfaits » de nos avancées technologiques et culturelles. Ne riez pas car l’Etat Français, de nos jours, persiste et signe! (1). L’Afrique est ici renvoyée à son origine, paradisiaque certes, mais sauvage, s’excluant elle-même de « l’aventure humaine » et de « l’idée de progrès ». Par delà l’ignorance et l’ignominieuse insulte il est affirmé sans détour que l’humanité n’est civilisée que par sa capacité à rompre avec ses origines. Et « les noirs » en sont encore d’évidence trop près ! Mais en fait de quoi si ce n’est l’animalité ?
Il est vrai que « la civilisation » à souvent été comparée à un vernis, recouvrant la « bête » en nous, prête à se manifester au moindre relâchement de nos conditionnements culturels. Ce que Freud théorisera dans « Malaise dans la civilisation » affirmant, en universalisant ses propres névroses, que l’homme est par nature mauvais (2). Un grand merci à Michel Onfray d’avoir entrepris de déboulonner « l’Idole » !
L’être humain n’est ni bon, ni mauvais ! Au même titre qu’un chat ou une baleine il est un animal et ce n’est que par sa conscience de lui-même qu’il va produire de la morale et juger ainsi ses actes. Il y a une antilogie évidente à lui attribuer originellement des valeurs éthiques.
Car en quoi sommes-nous réellement supérieurs aux autres animaux si ce n’est par la certitude que nous le sommes et notre capacité à l’affirmer sans même y réfléchir ? Différents certainement, comme l’est le dauphin du chimpanzé, mais, objectivement, en quoi primordiaux ? Et de leur point de vue ce n’est d’évidence pas le cas !
L’évolution est un processus complexe et ce que nous considérons (en nous y contemplant) comme son aboutissement ne pourrait en être, en définitive, qu’une branche morte…..Il est peut être encore temps d’assumer lucidement cette incontournable vérité et d’admettre et de chérir notre condition d’animaux (mal) pensants! Car la finitude des « ressources naturelles » (la nature est devenue une réserve), les irréversibles désordres destructeurs que provoque notre productivisme expansionniste du rien, la destruction systématique de pans entiers de la biodiversité ne nous laisse plus d’autre choix si ce n’est d’accepter notre disparition.
Débarrassons-nous définitivement de ce fatras idéologique anthropocentriste qui, au lieu de nous mettre au sommet de l’évolution, comme il le prétend, nous enferme définitivement dans l’inintelligibilité de notre condition. Et ainsi nous interdit paradoxalement tout espoir d’évolution.
Ce n’est qu’en reconnaissant en nous l’animalité, comme la part originelle et charnelle de notre conscience, que nous avons peut être encore une chance de préserver notre survie.
Voilà le fil conducteur de ce que je tente ici d’écrire l



Le 30 avril 2012
Singulier.eu

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(1) -Le discours de Dakar par Sarkozy, le 26 juillet 2007, à l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Sénégal), devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques. Il y déclare notamment que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l'Afrique » vient du fait que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ». - Et aussi la Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés : Article 1 : « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française ». (2) Sigmund Freud (1929), Malaise dans la civilisation (trad. française, 1934) « La part de vérité que dissimule tout cela et qu'on nie volontiers se résume ainsi: l'homme n'est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus »